À ses débuts en politique, Laurier est loin de penser qu’il deviendrait rapidement chef du Parti libéral. À cette époque, il ne croit pas avoir l’étoffe d’un chef. Ce sentiment d’imposteur le poursuivra toute sa vie.
Néanmoins, Laurier sait rallier les gens autour de lui. Homme de tête, il cherche à satisfaire la majorité, sans toutefois déplaire à la minorité. Il réussit ainsi à mener les membres de son parti à travers les élections, et ce, jusqu’à la Chambre des communes à Ottawa.
Homme tenace, il fait face à l’adversité sans crainte. Il sait aborder les problèmes, prendre son temps pour vérifier les possibilités et chercher la solution la moins contraignante pour la majorité des Canadiens.
Autant dans l’opposition qu’à la tête du pays, Laurier a su imposer au Parti libéral un nouveau souffle, un vent de modernité malgré le fait qu'on conteste son style et ses méthodes.
Aujourd’hui, on affirme qu’il a été le père du Canada moderne, portant le libéralisme à un autre niveau.
Même 30 ans après la création du pays, les Canadiens, en particulier les francophones, ne sentent pas encore le sentiment d’appartenance au Canada.
Wilfrid Laurier, le pays avant tout avec André Pratte, Les publications universitaires #19, Productions EBICO
[Intertitre : 1896, incertitude nationale. Monsieur André Pratte et un reporter se parlent dans une bibliothèque]
Reporter : Wilfrid Laurier devient premier ministre du Canada en 1896 [Un portrait de Wilfrid Laurier est affiché] alors que le pays ne comptait que 7 provinces. [Une carte du Canada montrant l'étendue de la terre de Rupert est affichée] L’avenir du pays était donc incertain, est-ce que cette réalité a marqué son action politique?
André Pratte : Tout à fait, c’est la clé fondamentale pour comprendre sa démarche. Vous avez dit : « il arrive au pouvoir en 1896 ». La première chose qu’il faut réaliser avant de voir ce que Laurier a fait, c’est ce que ça veut dire, c’est que le Canada n’a que 30 ans, puisque la Confédération s’est faite en 1867. [Couverture d'oeuvre de Robert Harris « Fathers of Confederation » est affichée] En fait, le Canada n’existe pas vraiment, il n’existe pas dans l’esprit des gens, c’est comme une entente, un contrat si vous voulez. Mais il n’y a pas encore chez les francophones ni chez les anglophones une conscience réelle de ce qu’est le Canada, de ce que peut être ce pays-là.
Et Laurier, lui arrive, donc, il est le premier « premier ministre » canadien-français francophone et déjà ça c’est quasiment miraculeux parce que personne ne pouvait s’imaginer que le Canada serait autre chose qu’un pays anglais. Même les canadiens-français de l’époque au moment de la Confédération, ce qu’ils voulaient c’est que la Confédération garantisse qu’il y ait une province, le Québec, où les francophones seraient majoritaires et gèreraient ce qui était important pour eux. Pis, le reste du pays serait anglais. Quand Laurier devient chef de parti et ensuite premier ministre, c’est la surprise générale, à la fois chez les francophones et les anglophones parce que tout d’un coup le Canada ça devient un pays où peut-être les francophones vont pouvoir jouer un rôle, pas seulement limiter à leur province, le Québec, mais aussi à l’ensemble du pays.