Conscription et gouvernement de coalition
Au déclenchement de la Première Guerre mondiale, Laurier est chef de l’opposition. Considérant la situation et les besoins de l’Angleterre pour mener à bien cette guerre, il appuie le premier ministre conservateur Robert Laird Borden dans son effort de guerre en soutien à l’Angleterre. Il va même jusqu’à s’impliquer dans le recrutement des hommes volontaires au combat.
L’implication canadienne dans la guerre vient raviver les deux solitudes : les Canadiens anglais trouvent que l’effort canadien n’est pas assez grand alors que les Canadiens français ne souhaitent pas s’impliquer plus et demandent même le retrait du conflit.
La Grande Guerre devient rapidement beaucoup plus longue que prévu au départ et l’issue du conflit est incertaine. Les pertes en hommes et en équipements sont considérables. Le 18 mai 1917, considérant que les efforts ne suffisent pas et qu’une plus grande implication du Canada est nécessaire, le premier ministre Borden demande au parlement d’imposer la conscription. Laurier est en désaccord total avec cette décision, tout comme la majorité de la population canadienne-française.
« Toute ma vie, j’ai combattu la coercition ; toute ma vie, j’ai favorisé la bonne entente et le motif qui m’a inspiré cette attitude sera à jamais mon guide tant qu’il restera un souffle dans ma poitrine. » (1917)
Sachant que de nombreux députés de son parti, en particulier les députés anglophones de l’Ontario, voteront pour la conscription, Laurier tente par tous les moyens de retarder le moment du vote. Il croit ainsi pouvoir épargner la vie des jeunes hommes envoyés au front.
De plus, fin stratège, il voit dans ce débat une chance de se refaire un électorat et, ainsi, de reprendre le pouvoir aux prochaines élections. Mais les libéraux sont divisés dans leur position sur la conscription : ils se déchirent dans le parti. Laurier perd de l’emprise sur son parti et peu de députés le soutiennent dans sa position.
À la mi-août 1917, envisageant une chance de conserver le pouvoir et d’imposer la conscription, le premier ministre Borden propose de créer un gouvernement d’union, ce que Laurier refuse. Certains députés libéraux dissidents voient dans cette proposition une chance de s’affirmer contre la position de Laurier et acceptent de faire partie du gouvernement d’union, faisant fi de la décision de leur chef.
Cette nouvelle coalition vote pour la conscription et, le 29 août 1917, la loi sur le service militaire entre en vigueur. Le 12 octobre 1917, Borden dirige officiellement le nouveau gouvernement d’union qui comprend treize députés conservateurs, neuf députés libéraux et un représentant ouvrier. À 76 ans, Laurier en sort affaibli et amer.