L’évènement des écoles du Manitoba
Le 29 janvier 1895, un évènement politique d’envergure vient marquer le débat politique et le prestige de Laurier à travers tout le Canada. Les électeurs découvrent à quel point Laurier est un homme de compromis et de négociation.
En 1890, le gouvernement de Greenway à la tête du Manitoba impose à ses citoyens l’enseignement non confessionnel dans toute la province. Cette nouvelle loi contrevient aux principes de la Confédération canadienne. Le gouvernement conservateur de Mackenzie Bowell sollicite l’opinion du comité judiciaire du Conseil privé sur le droit de la province à agir ainsi et le questionne sur son pouvoir d’intervention.
En janvier 1895, le comité confirme que le gouvernement fédéral a le droit d’intervenir dans la décision du Manitoba de retirer le droit à l’enseignement catholique pour la minorité catholique fançcaise.
Le gouvernement fédéral s’invite alors dans le débat. Les conservateurs de Bowell veulent intervenir dans un champ de juridiction provinciale alors que Laurier a toujours été réfractaire à cette idée. Les troupes libérales sont divisées sur la décision et Laurier l’est aussi. Considérant ses valeurs, il s’oppose à cette décision, car cette loi est antidémocratique et anticonstitutionnelle. Ses origines canadiennes-françaises l’empêchent de penser autrement. Toutefois, d’un point de vue légal, il ne peut être qu’en accord avec le point de vue de ses opposants : le gouvernement fédéral n’a pas à s’immiscer dans ce débat, l’enseignement étant d’autorité provinciale.
Laurier prend donc le parti de ne pas prendre une position ferme sur ce dossier, tout en signifiant sa sympathie pour les populations touchées. Lors des débats, il utilise l’esprit de la Confédération pour soutenir son point, en soulignant l’importance, dans le débat, de la protection des minorités catholiques et des protestants, ainsi que de la diversité linguistique.
Sachant que l’unité de son parti est en jeu, il choisit de jouer sur la dissension dans le Parti conservateur pour gagner la bataille. En mettant en évidence la division chez ses adversaires, il tente d’éviter d’attirer l’attention sur les déchirements dans son propre parti.
Le 11 février 1896, les libéraux déposent un projet de loi réparatrice qui vise à rétablir, en principe et en pratique, les écoles séparées au Manitoba. Même si Laurier doute de sa réussite, il cherche à gagner du temps. Il veut éviter la prise d’une décision favorable à l’enseignement non confessionnel avant les prochaines élections. De même, il veut éviter de voter contre la majorité de ses électeurs de l’ouest du pays. Cette position démontre à quel point Laurier cherche à satisfaire les minorités sans se positionner contre la majorité. Les débats sont longs et animés. Chacun tient à sa position. Le projet de loi sur les écoles du Manitoba est reporté à cause de l’obstruction de l’opposition le 14 avril 1896. Le 24 avril, le gouvernement fédéral annonce des élections fédérales le 23 juin. Bowell annonce sa démission et il est remplacé par Charles Tupper qui devient premier ministre le 1er mai 1896.
Les débats entourant les écoles du Manitoba de 1895 permettent à Laurier de s’affirmer comme défenseur de tous les Canadiens. Il réussit à s’imposer comme leader devant ses troupes avant l’élection de juin 1896.