Les pensions
Alors que Wilfrid est âgé de 10 ans, son père désire qu'il apprenne l'anglais, langue nécessaire à cette époque pour s'assurer d'une bonne place en société. Malgré ses principes de Canadien français, Carolus, en homme éduqué, tient à prendre des décisions réfléchies et stratégiques pour l’éducation de son fils.
Aussi, en 1852, Carolus envoie son fils en pension à New Glasgow (Laurentides), à quelques kilomètres de son village natal. Il demeure tout d’abord dans la famille de John Murray, un immigrant d’origine écossaise, de religion presbytérienne. En plus de la langue de Shakespeare, Wilfrid apprend la culture anglaise. Cette éducation marquera son comportement en société pour le reste de sa vie. Il vit ensuite chez les Kirk, des catholiques irlandais.
Son séjour dans ces deux familles lui ouvre l’esprit sur la tolérance envers les différentes cultures. Cette ouverture d’esprit, qualité fort remarquable pour l’époque, marquera sa carrière politique. Toute sa vie, il continuera à percevoir les autres cultures comme porteuses d’une différence enrichissante plutôt que comme menaçantes.
En 1854, il quitte de nouveau sa famille pour effectuer son cours classique au collège de l’Assomption. Il y vivra en pension pendant sept ans. À cause de sa santé fragile, il démontre un plus grand attrait pour la lecture que pour les sports. Cela ne l’empêche pas d’avoir un dossier admirable et remarquable pour l’ensemble de son parcours dans ce collège.
D’ordinaire timide, Wilfrid exprime son opinion avec éloquence lors des discussions de groupe ; il défend ses idées avec opiniâtreté et franchise. Dès lors, son intérêt pour la politique libérale semble être prédominant.
De ces deux années en pension à New Glasgow, Wilfrid acquiert de nombreux traits qui marqueront sa vie, en plus d’y apprendre correctement l’anglais. Il prend, par le fait même, un accent anglais écossais qui piquera la curiosité de plusieurs. Un Canadien français qui parle anglais avec un accent écossais, c’est tout un bouillon de culture chez un même homme.
Dans ses classes de grammaire, Laurier pouvait discuter politique comme un vieux politicien et c’était déjà un libéral partisan. Il abordait toutes les questions. Il lisait tout ce qui lui tombait sous la main : journaux, ouvrages favorables au libéralisme doctrinal, condamné par l’Église. Nous étions tous sûrs qu’il deviendrait un jour député.
– Jésuite Joseph Grenier, 1905.
Fait marquant
Déjà à cette époque, Wilfrid dissocie la religion de la politique et marque nettement sa préférence pour cette dernière. Il respecte la religion, mais ne lui porte que peu d’intérêt. Tout au long de sa vie, Laurier ne considère pas la position de l’Église dans sa prise de décisions. Il est un homme pragmatique et cartésien, cherchant toujours le meilleur pour son pays et ses citoyens, tous égaux dans le Canada, sans égards à l’origine, à la langue et à la religion.